inflorescence d'anthurium radicans x luxurians, le spadice est de couleur rose

Polliniser un anthurium : le guide

Les anthuriums ont le vent en poupe depuis quelques mois chez les plant addicts et je comprends tout à fait pourquoi puisque je suis moi-même tombée sous leur charme (et Margaux, @_young_botanist, avec sa merveilleuse collection et ses photos inspirantes n’y est pas non plus pour rien !)

En plus d’être beaux, les anthuriums ont la particularité de pouvoir s’hybrider assez facilement… dès lors les combinaisons sont infinies ! Dès que j’en ai compté quelques-uns dans ma collection, j’ai eu une idée fixe, un objectif ultime : réussir à les faire se reproduire pour avoir le bonheur de produire des graines, puis de les faire pousser. Avant les anthuriums, je connaissais les joies du bouturage et des bulbilles d’alocasias pour avoir de nouvelles plantes. Mais désormais, une toute nouvelle aventure s’offrait à moi.

Bon, on ne s’emballe pas, j’ai mis plusieurs mois (peut-on parler d’années ? sans doute) et échoué à plusieurs reprises avant de pouvoir parvenir à mes fins. Allez, je te raconte !

Présentation de l’inflorescence

Commençons par décrire brièvement une inflorescence d’anthurium : les éléments et les termes sont les mêmes que pour les alocasias, donc tu peux te référer à cet autre article du blog, dans lequel j’ai inclus des photos détaillées.

L’inflorescence se caractérise par une spathe (à la place d’une feuille), qui va s’ouvrir sur un spadice lorsque le moment sera venu. C’est sur le spadice que tout se joue.

Description de l'anatomie d'une inflorescence d'anthurium

Contrairement à l’alocasia et au philodendron, il n’existe pas de chambre florale et c’est le spadice dans son intégralité qui sera d’abord « femelle », puis « mâle », sans zone délimitée.

Évolution de l’inflorescence

Dans un premier temps, la spathe est fermée, ensuite, elle s’ouvre doucement pour révéler le spadice. Celui-ci, plus ou moins long et large selon la variété et l’âge de la plante, arbore une structure en forme d’écailles, ou de nid d’abeille. J’adore les observer de près et admirer chaque détail (et à chaque fois, je me dis qu’il me faudrait une lentille macro pour mon téléphone, afin de prendre de superbes photos).

Inflorescence d'anthurium

Au bout de quelques jours (cela peut être très rapide, ou parfois plus long, j’ai en ce moment une inflo de radicans x luxurians que je guette depuis 15 jours et sur laquelle il ne se passe rien, alors que sur le magnificum hybride, le nectar était apparu en 3-4 jours), le spadice connaît sa phase femelle.

La phase femelle, celle pendant laquelle les stigmates peuvent être fécondés par du pollen, vient avant la phase mâle. Elle est facile à repérer, car le spadice va se recouvrir de nectar (de fines gouttes transparentes et collantes) et tu sauras alors que c’est le bon moment pour venir appliquer du pollen.

zoom sur une inflorescence d'anthurium recouverte de fines gouttes de nectar

La phase mâle vient ensuite : tu verras le spadice se couvrir de paquets plus ou moins resserrés de grains de pollen (eux-mêmes de grosseur variable ; ils sont par exemple massifs sur le clarinervium, mais très fins sur le crystallinum).

Du pollen sur un spadice d'anthuriumzoom sur du pollen d'anthurium

Comment procéder ? La technique

Dans la nature, ce sont bien sûr les insectes qui se chargent de la pollinisation en transportant les grains de pollen sur eux, et en étant attirés par le nectar sucré des inflorescences en phase femelle. Mais dans nos intérieurs logiquement, les insectes ne sont pas légion. C'est donc toi qui va devoir agir pour assurer la pollinisation.

Du coup, si tu as bien suivi, tu as compris que pour avoir du pollen sous la main, il te faut avoir une autre inflorescence en phase « mâle » au même moment, ou bien du pollen provenant d’une inflorescence antérieure, congelé ou conservé (il paraît qu’au sec, il peut se conserver une bonne semaine). Mais lorsque la toute première inflorescence d’anthurium de ta collection entrera en phase femelle, tu n’auras aucun pollen à appliquer puisque ce sera la première. En revanche, tu pourras ensuite récolter son pollen en vue de la deuxième inflorescence (qu’il s’agisse de la même plante ou d’une autre).

Comment j’applique le pollen sur le spadice lorsqu’il est réceptif ( = en phase femelle) ? Et bien j’ai tenté au début avec un pinceau (une petite brosse, plus exactement) mais depuis quelque temps je le fais tout simplement au doigt (et ça fonctionne, donc je m’y tiens). Je frotte le pouce et l’index sur une inflorescence produisant du pollen, puis je viens doucement appliquer le pollen sur le spadice recouvert de nectar, en essayant de bien l’appliquer partout. Je recommence le geste plusieurs fois si j’ai suffisamment de pollen. On voit bien les grains de pollen venir se fixer sur les stigmates.

Pour tous mes succès, j’ai utilisé du pollen « frais », c’est-à-dire encore sur le spadice. Avant cela, j’ai tenté plusieurs pollinisations avec du pollen décongelé, mais cela n’a pas fonctionné. Je sais néanmoins que cette pratique est assez courante, donc j’ai sûrement commis des erreurs de récolte, et/ou de congélation, et/ou de décongélation.

Le pollen peut rester assez longtemps sur l’inflorescence une fois qu’il a été produit. Je pense néanmoins que plus il est « frais » (récent), plus il sera de bonne qualité. Mais j’ai déjà eu des résultats avec du pollen qui était sur l’inflorescence depuis une dizaine de jours. Je l’y avais laissé, car j’attendais qu’une autre inflorescence produise du nectar. Si tu sais d’avance que tu vas le récolter parce que tu n’as pas d’autre inflorescence, je te conseille néanmoins de ne pas attendre.

Après la pollinisation

Une fois que tu as badigeonné à plusieurs reprises le spadice en phase femelle de pollen, tu n’as plus qu’à patienter. Si tu as une grosse collection, plusieurs inflorescences simultanées et que tu veux éviter que des insectes pollinisent l’inflorescence avec le pollen d’un autre anthurium, tu peux appliquer une sorte de petite protection en tulle. Le plus souvent, que la fécondation ait eu lieu ou pas, l’inflorescence produira du pollen dans sa seconde phase. Ce n’est donc pas un critère qui peut te permettre de conclure au succès ou à l’échec de ton geste.

évolution d'une inflorescence d'anthurium fécondée

Si la fécondation a eu lieu, tu vas voir les « écailles » se transformer, se réorganiser et enfler. S’il n’y a pas eu de fécondation, l’inflorescence finira par se flétrir, voir pourrir. Le premier signe, c’est le jaunissement de la tige. Il peut m’arriver de couper tout de suite l’inflorescence en constatant de tels signes, pour éviter que la plante ne perde de l’énergie “pour rien”. Parfois je la laisse flétrir jusqu’à ce qu’elle touche le sol, car je suis dans le déni :)

 

Aider la plante

D’ailleurs, que peut-on faire pour aider la plante durant toute cette période ?

Si tu te souviens bien des informations relatives aux engrais NPK (tu peux te rafraichir la mémoire par ici ), ce sont surtout le P (phosphore) et le K (potassium) dont la plante aura besoin pour développer l’inflorescence puis pour fabriquer des baies en cas de fécondation. Cela représente pour elle énormément d’énergie, donc si tu veux assurer les chances de succès et la bonne santé de ta plante, tu dois l’aider en lui apportant quelques ressources supplémentaires.

J’utilise depuis plusieurs semaines un engrais organo-minéral en 2 parties, le Master Grower (version bio vegan) fabriqué par Hydropassion. Il existe deux flacons afin de combiner les apports en fonction du stade de développement des plantes : « Croissance végétative » pour la croissance en général, qui apporte un NPK de 3-2-6 et de nombreux autres éléments et « Floraison et fructification », qui cible davantage les besoins liés à la floraison, avec un NPK 2-4-5. Ils s’utilisent dans l’aroid mix et en pulvérisation foliaire et j’en suis plutôt contente. J’utilise en même temps deux autres de leurs produits, qui sont des biostimulants : Liquid Ocean et Prime Sugar.

Tu trouveras plus d’informations (composition, dosages, etc.) sur le site Internet d’Hydropassion.

des bouteilles d'engrais

Les doses de l’engrais « Floraison et fructification » sont augmentées dès l’apparition d’une nouvelle inflorescence, et je les maintiens jusqu’à la récolte.

Je veille aussi à ne pas modifier les conditions de culture de la plante pendant toute cette période : je ne déplace pas le pot pour le changer d’endroit (et donc d’exposition), je ne rempote pas la plante. En gros, j’évite tout choc inutile ;)

Les baies

Les inflorescences fécondées vont donc évoluer et mûrir et produire des baies. Ces baies sont les fruits des anthuriums, et elles contiennent les fameuses graines dont j’ai rêvé si souvent 🙂

apparition de baies d'anthurium

La plupart du temps, les baies passent du vert à l’orange/rouge, voire bordeaux, mais il existe des différences de couleur selon les variétés.

baies d'anthurium vertes

La récolte des graines se fait lorsque les baies sont bien mûres : c’est facile, elles se détachent quasiment toutes seules de l’inflorescence le moment venu.

baies mûres d'anthurium

Chaque baie contient une ou plusieurs graines. Tu devras l’écraser doucement pour faire sortir les graines et les séparer de la pulpe. Ensuite je mets les graines dans l’eau quelques heures (ou plus si je suis trop occupée) pour les nettoyer et les conserver. Elles seront ensuite prêtes à être plantées ! Comme une image vaut mille mots, je te propose une vidéo sur la récolte des graines, que tu peux visionner ici sur mon compte Instagram.

Une baie et son contenu : 2 graines d'anthurium
La baie à gauche et à droite les graines qu'elle contient

La période de maturation des inflorescences et des baies varie, elle aussi, en fonction des espèces. Je n’ai pas trop fait attention aux dates pour l’inflorescence fécondée de mon magnificum hybride, mais je pense qu’entre la pollinisation et la récolte des baies, il s’est écoulé environ trois mois.

Mais parfois cela peut être bien plus long ! Certains anthuriums sont connus pour mettre beaucoup de temps à produire des baies après la pollinisation, comme le clarinervium, le veitchii et bien-sûr le luxurians, dont la « gestation » dure approximativement 18 mois. Dix-huit mois ! Tu comprends alors pourquoi les hybrides contenant du luxurians sont le plus souvent des « blabla x luxurians » (et non des « luxurians x blabla ») et pourquoi les seconds sont plus rares et plus chers.

Les hybrides

Ah les hybrides ! Découvrir ce monde, pour le collectionneur et le plant addict, c’est un peu ouvrir la boîte de pandore. Car chaque hybride est unique et exprime à sa façon le génotype transmis par ses parents. J’ai déjà consacré une petite page aux anthuriums hybrides, donc je ne vais pas plus m’étendre sur le sujet, mais je t’invite à aller la consulter ici (promis, ce n’est pas très long).

anthurium night queen
Ici un anthurium 'night queen', hybride entre un papillilaminum et un luxurians

Conclusion

En conclusion, la pollinisation des anthuriums est une aventure passionnante qui demande de la patience et de l'observation - mais quel bonheur d’y arriver enfin, surtout après quelques échecs ! Je suis super fière d’avoir appris et progressé et de faire en ce moment même pousser mes premiers anthuriums hybrides. Forcément les plus beaux de la terre, ah ah!

Avec les informations simples et pratiques de cet article, tu peux y arriver toi aussi, pas besoin de matériel compliqué. N’oublie pas que tu peux me poser des questions ou me faire part de tes remarques sous l’article ou directement par message privé sur Instagram. Réponse garantie 😊

Bonne culture et à bientôt !

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1 commentaire

Merci pour cet article super intéressant !!

Maud

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