Difficiles, les anthuriums ?

Difficiles, les anthuriums ?

Toi aussi, tu as remarqué que l’anthurium a plutôt le vent en poupe en ce moment ? Je fais partie des plantaddicts qui l’apprécient et le collectionnent. Mais je me rends compte, quand j’en parle autour de moi, qu’il a la réputation d’être une plante exigeante. En fait, il a l’image d’une plante réservée aux spécialistes, cultivée dans des conditions très spécifiques. Cette réputation est-elle vraiment méritée ?

Disclaimer : ce texte n’est pas une analyse scientifique qui va te prouver quelque chose par A + B et établir une vérité absolue. Non, c’est plus un billet d’humeur, un partage de mon expérience et mon ressenti. J’ai pu en parler avec quelques autres plantaddicts qui partagent cette opinion. A priori, je ne suis donc pas la seule à le penser et je me dis que le fait de donner mon avis pourrait permettre à d’autres de sauter le pas.

Dans mon chalet, j’élève des philodendrons, des syngoniums, des monsteras, des hoyas, des epipremnums, quelques pipers et des anthuriums. Mes observations se fondent sur la culture de ces différentes plantes et je peux donc comparer les besoins des anthuriums à ceux des autres genres.

Petit top rapide sur les anthuriums : le genre « anthurium » appartient à la famille des aracées. Dans la nature, les anthuriums vivent dans tout le sud du Mexique, en Amérique centrale et dans une grande partie de l'Amérique du Sud tropicale, avec quelques espèces présentes dans les Antilles (Caraïbes). La grande majorité des plus formes les plus convoitées par les collectionneurs poussent cependant sur les pentes occidentales de la cordillère des Andes (ce qui implique de l’altitude et des températures plus fraîches), dans les forêts tropicales de l'Équateur et de la Colombie.

La plupart sont des épiphytes ou semi-épiphytes, c’est-à-dire que leurs racines vivent majoritairement hors du sol (des racines aériennes qui s’accrochent à un support pour que la plante grimpe, qu’il s’agisse d’un arbre ou d’un rocher) mais certains poussent bien dans le sol, à l’ombre des forêts denses.

Et c’est bien la difficulté que nous aurons à récréer ces conditions de vie qui déterminera le niveau d’exigence d’une plante.

Alors éliminons tout de suite les variétés les plus difficiles, j’ai nommé :

  • l’anthurium debilis (dont le nom signifie en latin « infirme, estropié, faible », très probablement nommé ainsi pour sa fragilité lorsqu’il ne bénéficie pas des conditions requises),
  • le splendidum et ses magnifiques feuilles qui se transforment rapidement en chips s’il n’est pas conservé dans un terrarium,
  • et dans un autre genre, la « queen » warocqueanum qui donne du fil à retordre à certains amateurs parce qu’elle a besoin d’une forte humidité associée à une importante circulation de l’air,
Une jeune femme portant un gros anthurium warocqueanum

Photo : @_young_botanist_ Instagram

  • le regale et son éternelle unique feuille puisque les autres ne ressemblent à rien (j’exagère, certains y arrivent très bien — mais pas moi pour l’instant !),
  • ou le dressleri qui justement n’est pas épiphyte. Cette liste n'est pas exhaustive, mais je pense que ce sont les plus connus.

Éliminons également les variétés et les cultivars les plus prisés des collectionneurs en ce moment et qui coûtent un bras : la fameuse carlablackiae, l’antolakii (ex- BVEP), le red vein dark phoenix, etc…. je pense que tu as saisi l’idée ! Évidemment que vu le prix d’achat, les conditions de culture seront assurées, avec du matériel adéquat. Évidemment bis, ce ne sont pas des plantes de débutant (qui serait assez fou pour aller claquer des centaines d’euros dans une telle plante sans avoir aucune expérience en la matière ?). Mais bonne nouvelle, les prix chutent en général tous à court ou moyen terme, donc si une de ces variétés te fait rêver, fais-toi la main sur des anthuriums plus simples et d’ici 1 ou 2 ans grand max, tu pourras réaliser ton rêve à un prix plus abordable. (Qui se souvient ici qu’un petit anthurium luxurians valait plus de 1000€ en 2021, que le fameux delta force s’arrachait à 10 000$ parce qu’il était unique ?)

Une fois ce tri fait, nous pouvons nous pencher sur des variétés d’anthuriums dont les conditions de culture ne seront pas différentes de celles d’un philodendron « classique » ou d’une monstera deliciosa.

Et précisément, ce sont les variétés que tu pourras retrouver assez facilement en jardinerie ou dans tes eshops de plantes préférés :

  • l’anthurium crystallinum et ses magnifiques veines contrastées,
anthurium crystallinum
Petit anthurium crystallinum hybride de ma collection (dispo sur l'eshop)
  • le clarinervium avec ses feuilles velours en forme de coeur,
  • le magnificum et sa prestance,
  • et j’ai même envie de mettre dans cette liste le luxurians, qui n’est pas encore une plante bon marché, mais qui se démocratise — parce que franchement, je le trouve très résistant.

Entendons-nous bien : ce sont des plantes tropicales, et comme les philodendrons, les monsteras, les syngoniums, elles auront quand même besoin d’une certaine plage de températures (18-30°C environ) et d’humidité (en dessous de 50% ce sera compliqué). Mais ça, en tant que plantaddict, tu le sais déjà et tu le pratiques pour tes autres plantes !

Elles auront aussi besoin d’un substrat adapté, pour la plupart un aroid mix enrichi en éléments drainants (dans le mien je mets très peu de terreau et beaucoup de pumice). Comme les autres aracées, il est également possible de cultiver les anthuriums en sphaigne ou en substrat minéral comme le PON. Il faudra également comprendre comment les arroser et quelle exposition lumineuse leur offrir.

Mais tout ça, avec un peu d’observation, c’est à la portée de n’importe quel amateur de plantes non?

Et j’irai même plus loin, parce qu’au cours de mes quelques années d’expérience de la culture des aracées, les anthuriums m’ont surprise à plusieurs reprises par leur robustesse :

  • ce sont des plantes réellement résistantes. En cas de souci de pourriture racinaire (oui, cela arrive en cas d’erreur d’arrosage, de substrat inadapté, de stress lié à un transport dans des mauvaises conditions, de coup de froid, etc. ), elles sont beaucoup plus faciles à rattraper qu’un philo ou même une monstera. Même sur des boutures minuscules, je réussis à rattraper l’affaire avec un minimum de technique (merci l’eau oxygénée) et des soins appropriés. Cela m’est arrivé sur une toute petite bouture d’AOS x papillilaminum, je pense que l’évolution est documentée sur mon compte Instagram, dans les stories à la une (clique ici pour visionner les vidéos). Je te mets également la photo d’un minuscule veitchii, comme tu le vois la tête a fondu (gros coup de chaud dans ma chambre de culture) mais ça ne l’a pas empêché de faire un nouveau départ ! Pour perdre un anthurium, franchement il faut vraiment y aller. Et même quand tout semble compromis, le fait de bouturer peut te sauver la mise.
très jeune anthurium veitchii

Ici un minuscule veitchii avec un nouveau départ 

  • car oui, l’anthurium se bouture facilement. Pour ma part je ne l’ai tenté que quelques fois jusqu’à présent, car je n’avais pas suffisamment confiance en moi. Mais je peux te confirmer que ces tentatives ont toutes été couronnées de succès. Et d’autres amateurs plus chevronnés m’ont assuré que le bouturage des anthuriums n’était pas difficile !
    Bouture réussie d'anthurium luxurians

Bouture racinée (appelée « clone ») d'un anthurium hybride de ma collection

  • leur pollinisation est aussi relativement facile (en tout cas, plus abordable que pour les philodendrons ou les alocasias) donc tu pourras t’amuser à produire tes propres graines et faire pousser une forêt de bébés. Ne loupe pas mon guide pour savoir comment procéder pour les polliniser. 
  • les anthuriums sont aussi beaucoup plus tolérants que d’autres aracées (coucou, les alocasias relou). En cas de substrat ou d’arrosage inadapté, leurs feuilles vont lentement jaunir pour t’alerter. Tu auras alors largement le temps de réagir et de rectifier leur tir et ils repartiront sans t’en vouloir. Si jamais les racines ont fondu (la plupart du temps car tu as trop engraissé), de nouvelles pousseront très bien en eau. Oui en eau, tout simplement. Cela n’a quand même rien à voir avec une alocasia qui peut décéder du jour au lendemain (allez, j’exagère encore, disons en 48h!).
  • Je peux rajouter qu’ils voyagent très bien, que ce soit au stade de graines, de graines germées (franchement cela m’épate de voir des mini plantules de moins d’un centimètre qui traversent le monde dans leur sphaigne sans la moindre encombre). C’est également le cas pour des plantes plus établies.
  • et pour finir je trouve aussi qu’ils sont beaucoup moins courtisés par les parasites. Là encore, la comparaison avec les alocasias, est tout à fait à leur avantage : j’ai rarement vu des acariens sur des anthuriums, à part peut-être sur des plantes à feuilles « velours » vivant dans une humidité insuffisante (alors que, franchement, qui a déjà vu une alocasia sans le moindre acarien ? ok, je leur en veux, j’avoue). Je pense que la texture des feuilles des anthuriums, souvent bien épaisse, ne doit pas rendre leur dégustation facile pour les parasites de tous bords. Et ça, c’est quand même un gros avantage non ?
anthurium night queen
Anthurium « Night queen » de ma collection, feuille ultra épaisse

Voilà, tu l’as compris, l’anthurium bénéficie d’une image de plante exclusive, et il est vrai que certains spécimens se vendent très cher. Cette image de « plante de luxe » laisse forcément penser qu’il lui faut des soins particuliers, une attention de tous les instants — bref, qu’il s’agit d’une plante difficile. Certes, c'est exact pour certains, comme le splendidum et ses feuilles texturées qui nécessitent une très forte humidité et zéro écart, ou pour celle qu’on appelle la « Queen » (warocqueanum), qui donne du fil à retordre à certains amateurs. Mais je pense sincèrement pourtant que cette réputation de plante difficile n’est pas méritée. En réalité, l’anthurium est globalement robuste et le droit à l'erreur existe : il nous donne la possibilité de rectifier le tir en cas de souci dans sa culture.

Alors si toi aussi, tu as envie depuis longtemps d’ajouter un anthurium à ta collection, je t’invite à sauter le pas avec un « gentil » : un anthurium comme le clarinervium, le crystallinum, le magnificum ou même le luxurians. Tu me remercieras plus tard 😊

Retour au blog

4 commentaires

Chloé, pour lutter contre le fongique, un essentiel : la circulation de l’air ! Il faut également éviter de vaporiser le soir, et d’avoir des températures qui descendent trop. Mais le plus important c’est la ventilation.

Emilie

Merci Cassandra! Je suis sûre que tu auras beaucoup de plaisir à cultiver ton premier anthurium :)

Emilie

Merci beaucoup pour ce super article ! J’ai quelques anthuriums qui commence à développer du fongique ….. Comment lutter contre ce fléau ??

Chloé jbt

Merci pour ces jolies lignes et pour donner confiance aux amateurs comme moi ! Grande fan d’anthurium mais tellement peur de les faire mourir car vendu comme “plante difficile”, ça me donne une confiance et de l’aide dans mon choix dans le but d’une future adoption ! Je sais vers lesquelles m’orienter et apprendre à connaître cette jolie plante ! :D

Cassandra

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés.